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[Retour sur] Conférence - Juger le viol au XXIème siècle

Evènement | 2 décembre 2025

Conférence du Collège de droit

Vignette jugement viol

Intervenant : 

Denis SALAS
Ancien magistrat, auteur de l'essai Le déni du viol, Michalon, 2023
 

Présentation de la conférence

Chers membres du collège de droit, l’année dernière, en novembre, nous avions pu voir, lors de la conférence sur les viols de guerre en Ukraine, combien une définition juridique pouvait sembler désincarnée, insuffisante à dire l’horreur, combien aussi il avait paru nécessaire d’y ajouter les récits de ces femmes. 

C’est tout l’objet, je crois, de la conférence qui nous réunit aujourd’hui, portant sur l’ouvrage Le déni du viol, essai de justice narrative. Nous avons l’honneur d’accueillir son auteur, Monsieur Denis Salas, écrivain donc, mais aussi ancien juge des enfants, maître de conférences à l’Ecole nationale de la magistrature, et aujourd’hui Président de l’Association française pour l’histoire de la justice, fondée par Robert Badinter. En mêlant son expérience juridique et son art du récit, il a publié de nombreux autres ouvrages parmi lesquels Le courage de juger ou encore La foule innocente.
Monsieur Salas, consciente de ce privilège, je tiens donc à vous remercier de votre présence au nom des élèves du Collège de Droit.
 
Comment appréhender le sujet du viol ? A cette question, vous répondez par le particularisme des récits, en écrivant cet essai de justice narrative, car, vous le dites, « la densité émotionnelle des récits redonne un contenu aux mots du droit ».
Les témoignages se succèdent alors : viols de guerres, conjugaux, incestueux, en milieu pénitentiaire ou que sais-je encore.

Mais, plus que le viol, vous illustrez aussi à quel point son déni peut toucher l’auteur, la population, voire la justice aussi parfois. Comment ne pas citer l’accusé de l’affaire d’Aix-en Provence qui en 1978 s’écriait « Tu te rends compte, tu fais l’amour et tu te retrouves en prison ». Oui, certains viols, le viol conjugal, l’inceste, les viols de guerre notamment, ont été longtemps banalisés, voire niés. A l’horreur de l’acte, la société a préféré sa dénégation, touchant le responsable mais contaminant aussi la victime, dont on cherche « le potentiel de victimité » pour minimiser l’acte.

Et lorsque l’on refuse au récit d’être entendu, se produit alors, comme vous le décrivez, un renversement de l’erreur judiciaire : « L’injustice ne réside plus dans la décision qui frappe un homme condamné par erreur mais dans l’indifférence à l’égard de l’offensée ».
Vous refusez cependant que le droit soit tenu en échec. Etant juge vous-même, plus que le sujet du viol, c’est une nouvelle piste de lecture de la justice que vous proposez.  Un juge, qui ne doit pas se contenter d’être la bouche de la loi mais doit se faire l’oreille attentive aux récits. Vous l’affirmez, ce sont eux « qui donnent la force aux femmes de s’indigner, de frapper aux portes de la justice, de nous jeter au visage l’intensité violente d’une agression. ».

Ce ne sont pas les peines donc, qui donnent à la justice l’essentiel de sa fonction restaurative. Mais c’est le cadre du procès qui donne sa légitimité à la victime, l’oreille attentive du juge qui lui permet enfin de livrer son récit, de donner des mots et « un sens à ce qui n’en a pas ». C’est là, enfin, vous le dites, que « nous [touchons] au cœur de l’œuvre de justice ».

INFOS PRATIQUES

Lieu(x)

Campus de la Manufacture des Tabacs

Amphithéâtre B
Type

Actualité net3, A la Une - net3, Conférence

Thématique

Droit