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[Retour sur] Conférence Grand public sur le procès de Bobigny de 1972

Evènement | 18 mars 2024
Lundi 7 mars 2024
17h45 - 20h00

Le jeudi 07 mars 2024, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Mme BARDIAUX-VAIENTE et Mme MAUREL sont venues parler de leur bande dessinée qui relate le célèbre procès de Bobigny de 1972.

Bobiny

Officialisée en 1977 par l'Organisation des Nations Unies, la journée du 8 mars est une journée on ne peut plus symbolique et quoi de mieux qu’une conférence sur l’un des évènements qui a rendu possible la légalisation de l’avortement pour la célébrer ?

Mme BARDIAUX-VAIENTE, l'autrice, scénariste de bande dessinée, a pour but de transmettre des messages forts.
Engagée sur l'histoire sur l'abolition de la peine de mort universelle, (qui fait d’ailleurs l’objet de sa thèse), elle fait le choix d'une bande dessinée pour proposer un sujet complexe. Son objectif : séduire tout type de public, saisir avec émotion, sensibiliser de manière efficace.
De son côté, Mme MAUREL, la dessinatrice, a abordé le sujet de la difficulté de dessiner des agressions ou plus largement le sujet dans sa globalité.
En effet, il faut se détacher du réel pour se réapproprier le récit, ne pas trahir les faits, rester sincère tout en étant émotionnellement percutante, c'est un travail d'équilibriste.
Elle dira d’ailleurs : « Ce que l’on donne à voir sont également nos propres émotions ».
Dessiner des scènes aussi difficiles, c’est aussi aller chercher en nous des évènements traumatisants, car oui, ces évènements sont des traumatismes violents dans la vie d’une femme.
Alors une question évidente se pose : pourquoi est-il toujours nécessaire de traiter de ces sujets ?

La question du droit à l’interruption volontaire de grossesse est un sujet mondial encore très actuel, et dans l’idéal, il devrait rentrer dans la charte des droits fondamentaux de l’union européenne car même si elle s’est institutionnalisée en France, ce n’est pas le cas en Europe.
A Malte par exemple, ce droit est toujours strictement prohibé et il existera toujours un risque que ce même droit soit interdit dans d’autres pays, d’autant plus dans le monde entier.

 

A propos du procès de Bobigny, quel est le contexte ?

Marie Claire, (mineure) se fait violer et tombe enceinte. En novembre 1971, elle se fait avorter clandestinement, avec la complicité de sa mère Michèle CHEVALIER, de Lucette DUBOUCHEIX et de Renée SAUSSET. Son violeur la dénonce, elle est amenée au poste de police, toujours en compagnie de sa mère.
C'est le procès de la mineure mais également le procès de femmes adultes qui débute, elles représentent des centaines de milliers de femmes qui avortent ou qui aident à avorter clandestinement tous les ans.

Cette bande dessinée permet une mise en lumière du réel, une sorte de matérialisation avec pour but de montrer leur quotidien.
Gisèle HALIMI, célèbre avocate de la partie de la défense, a pris part à l'association la cause des femmes. Elle est le trait d'union entre deux mondes, et se met face aux hommes qui jugent les femmes sur leur corps, corps qui a toujours été un sujet politique majeur. Elle mène alors un combat pour le droit à la contraception et à l’avortement. Alors quelle est la place des témoins lors du procès ?
On rencontre des personnalités qui ont signé le manifeste des 343 salopes comme Simone de Beauvoir, des journalistes, des femmes bourgeoises qui elles aussi ont avorté mais n'ont pas eu les mêmes traitements, les mêmes conditions, étant à « l'abri ». Sont également entendus en tant que témoins, un prix Nobel de Physiologie ou médecine : Jacques MONOD, un médecin fervent catholique ou encore Michel ROCARD, homme politique, secrétaire national du PSU.

La stratégie de Gisèle HALIMI se base sur un électrochoc médiatique, c'est à ce moment-là, que l’opinion publique se sent concerné, les femmes se sentent concernées, nombreuses à avoir été confrontées à cette situation. Une sorte de prise de conscience collective s’opère, le processus de légalisation se réalise peu à peu, l’époque n’est plus la même, ce droit est plus qu'important, il est nécessaire.

 

Alors comment analyser la portée du procès ?

Un mot nous vient directement, la logique, c'est un soulagement, une véritable jurisprudence. En effet, Marie Claire est relaxée.
Le procès a été évidemment précurseur de la loi Veil, mais aussi une avancée du droit, de la société et de la politique. Il est tout de même important de noter qu’il existe toujours un clivage de classe sociale, avec d’un côté des femmes issues de la classe bourgeoise qui pouvaient se permettre de payer un médecin et avorter dans des conditions « meilleures », à l'étranger et de l’autre des femmes issues de milieux défavorisés.
D’ailleurs, des limites persistent, ce n’est pas le droit qui est inscrit dans la constitution, mais la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse.
Finalement, cette conférence a permis en cette journée fondamentale, de retracer l’histoire de l’accès à ce droit pour les femmes, tout en soulignant qu’il existe toujours des limites qui subsistent, avec un acquis sociétal fragile, sans parler de la clause de conscience, qui représente quelque part une menace même si cela concerne l’éthique.

Une bande dessinée frappante, d’une justesse remarquable, qui rend justice au combat de ces femmes, un véritable plaidoyer pour la liberté et l’émancipation des femmes.
Elle nous rappelle combien le droit à l’avortement n’est jamais acquis. Je conseille fortement l’achat de cet album puissant, poignant et tellement actuel !

 

INFOS PRATIQUES

Lieu(x)

Campus de la Manufacture des Tabacs

Type

Actualité net3, A la Une - net3, Conférence

Thématique

Droit