Evènement | 14 octobre 2024
Lundi 14 novembre 2024
17h - 20h
17h - 20h
Conférence du Collège de droit
Résumé de conférence
Echange avec Bernard Devert, « prêtre-bâtisseur »
Lorsque Bernard Devert accomplit sa première action solidaire d’aide au logement, il n’est pas encore affublé d’un col romain ou d’une fondation à son nom. Alors promoteur immobilier, diplômé en droit, il achève la construction d’un immeuble lorsque l’on confie à ses soins une famille de réfugiés sans gîte ni couvert. Il décide de mettre à leur disposition un appartement de l’immeuble fraîchement bâti, ce qui déclenche les protestations des acheteurs qui ont, eux, payé pour leur toit. On donne alors, de la part de la famille, un immense tapis pour décorer le hall de l’immeuble. Etonnement des acheteurs devant un si beau cadeau, premier pas vers une belle fraternité. L’attachement grandit en effet entre ces hommes et ces femmes que l’on avait « étiqueté » de milieux différents ; c’est enfin le regret qui s’exprime lorsque la famille décide de quitter l’immeuble pour avoir enfin son propre logement…
C’est un Lyonnais, le Père Bernard Devert, qui nous présente sa fondation, Habitat et Humanisme, dont le but est d’offrir un logement et un accompagnement aux plus défavorisés. Il ne peut s’agir dès lors d’un hasard si c’est à Lyon, capitale de la résistance, capitale de l’humanisme, qu’est née l’association…
Peut-on vraiment parler d’une conférence alors que le discours se veut plus transmission, partage, que monologue didactique et oratoire ? L’intervenant ne se prive pas d’ailleurs de rappeler modestement que « les vrais ambassadeurs d’Habitat et Humanisme sont les habitants de ces logements, logements qu’ils n’auraient pu trouver sans cette forme d’économie solidaire ».Avec une citation de Lamartine pour mantra -ou plutôt crédo- : « le réel est étroit, le possible est immense », le Père Devert nous introduit à une notion tout à la fois laïque et spirituelle : l’espoir, l’espérance. Son parcours semble en effet converger vers cette idée : les individus ne sont rien devant l’éternité. Ils ne peuvent qu’agir, selon les mots du Père Devert « se laisser habiter par l’immensité plutôt que de rester des êtres habitués ».
Derrière cet espoir imprescriptible se cache donc l’idée du mouvement. Pour son fondateur, Habitat et Humanisme est une « association du mouvement ». Mouvement vers l’autre ; contre l’immobilisme de l’introversion égoïste et unilatérale.
Ce mouvement fédérateur nous amène à revoir notre rapport à l’humanité. Si « l’humanité de la société s’évalue à l’aune de son attention au fragile », il semble heureux que de telles associations nous rappellent à nos devoirs et à notre nature. « L’objet de la responsabilité, c’est le fragile ; il est confié à notre garde, à notre soin. » . C’est donc le rôle de l’association Habitat et Humanisme : offrir un logement aux plus démunis, livrés jusque-là à leur précarité et à leur solitude. Mais il ne s’agit pas seulement d’offrir un toit à ceux qui en sont dépourvus – parce qu’alors on ne considérerait pas l’individu dans son entier, dans son humanité- : Habitat et Humanisme a vocation à « considérer l’autre dans sa dignité, dans son absolue dignité » car selon Bernard Devert « lorsque la dignité est le facteur d’une relation, cela entraine une absolue humanité ».
Cette recherche répétée du respect de la dignité et de l’humanité de l’autre n’est pas sans rappeler les objectifs républicains de la fraternité et de l’égalité. C’est bien le triptyque «liberté, égalité, fraternité » qui semble d’ailleurs guider inconsciemment le discours de Bernard Devert.
Les préoccupations majeures de l’association Habitat et Humanisme semblent en effet intrinsèquement liées à ces valeurs : permettre aux personnes défavorisées d’avoir accès à un logement c’est avant tout laisser un choix. Le choix d’habiter dans un quartier auquel elles n’auraient initialement pas accès, empêchant ainsi un cloisonnement des zones urbaines et promouvant toujours plus la diversité et le partage. Loin de se dresser contre les autres dispositifs d’aide – comme les logements HLM-, l’action, que le Père Devert qualifie lui-même de minime, a pour but de garantir une multiplicité des offres. Car sinon l’assignation à un logement devient l’annihilation du choix et par là-même de la liberté.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » ; si cet adage se veut consensuel, irréfragable, il semble trouver ici une limite. Pour le fondateur d’Habitat et Humanisme, la liberté est plutôt vectrice de cohésion, de diversité et de continuité. Son œuvre ne semble en effet pas tendre à une séparation hermétique mais plutôt à une coïncidence, une concordance des libertés des uns et des autres : donner à chacun le loisir du choix de son logement.
La liberté comme maître mot donc. Liberté que l’on retrouve dans ce projet fédérateur aussi bien que dans le ministère de son auteur. Car il se révèle bien sûr impuissant à tout régler. Son action, il le dit lui-même, n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier d’injustice, de désespoir. Quid alors de la légitimité d’une telle injustice ? Quid enfin de cette éternelle question « Comment permet-on cela ? » et pour les croyants « Comment Dieu permet-il cela ? » ; question légitime à un homme d’église qui voit la souffrance et tente à petite échelle de la soulager. Mais Bernard Devert répond encore une fois par ce mot : « Liberté ». Vérité universelle, indubitable: S’il nous est donné la liberté de blesser, la richesse des actions humaines et des petits gestes réside dans ce paradoxe : l’Humain est aussi libre d’aider, de soulager et d’agir. Pour le fondateur de l’association, le secret est donc là : « l’individu en souffrance, n’est pas un fardeau mais peut être un cadeau ». Phrase qui n’est pas sans rappeler les premiers pas de Bernard Devert dans l’aide au logement : chaque personne a sûrement, si ce n’est dans son immeuble, du moins dans sa rue, une famille, un Homme à aider, une dignité à considérer et enfin un cadeau à recevoir (et ici, il ne saurait s’agir seulement d’un tapis !).
Camille Marchal
INFOS PRATIQUES
Lieu(x)
Campus de la Manufacture des Tabacs
Type
Actualité net3, A la Une - net3, Conférence
ThématiqueDroit
Informations
Le 04 novembre 2024 De 17:00 à 20:00
Campus de la Manufacture des Tabacs
Public
Conférence du Collège de droit ouverte aux étudiants du Collège de droit